Le Dico’ ironique cyber, troisième semaine! Lundi prochain, à l’approche du premier mois d’existence du Dico’, je publierai, pour la première fois, quelques définitions que l’on m’a envoyées. D’ici-là, n’hésitez donc pas à m’envoyer vos suggestions ; au pire, si elles sont à chier, je les ignorerai ; pas de pression!
Cyber & Acte de participation
C’eut été une sacrée mise en abyme de l’ironie si le Dico’ éponyme cyber ne prenait pas le temps de définir… le terme “cyber”, justement! Alors c’est parti :
Cyber (omni-préfixe) : terme mystico-magique dont l’utilisation permet, à peu de prix, d’ajouter un vernis pseudo-futuriste à ses propos. Fréquemment employé par ceux qui souhaitent parler d'informatique sans rien y comprendre (mais avec conviction), il donne naissance à une infinité de néologismes de plus en plus absurdes (cf. : cyberguerre, cyberscore, cyberhacker).
Une ancienne prophétie annonce que, dans un futur proche, chaque nom commun du dictionnaire aura son équivalent préfixé “cyber-”, causant une explosion du nombre de pages et accélérant la déforestation jusqu’à l’effondrement civilisationnel.
Par synecdoque, “la cyber” renvoie désormais à la cybersécurité, et “le cyber”, au cyberespace.
[A ceux qui se posent la question : oui, nous définirons les termes : cyberguerre, cyber-score, cyber-hacker (← ce terme ayant été entendu dans une conférence, il y a dix ans ; je ne m’en remets toujours pas), cybersécurité et cyberespace!]
En seconde définition, plus conceptualisante, j’ai tenté de caractériser cette tendance irritante qui est le propre de nombre d’acteurs dans la vie d’une structure (comme d’habitude, si vous vous sentez visés, ça en dit plus sur vous que sur moi) :
Acte de participation (locution nominale masculine & concept logorrhéique verbal) : toute structure un tant soit peu complexe développe différentes comitologies et procédures ; validation, relecture, traitement, contact, pilotage, suivi, etc. Une fois celles-ci définies et implémentées, il incombe aux acteurs de les suivre. L’acte de participation, aussi appelé acte d’autorité dès lors qu’il est pratiqué par une personne disposant d’une position hiérarchique quelconque, consiste à ne participer à un processus, à l’écrit comme à l’oral, que pour pouvoir se prévaloir d’y avoir participé. L’acte de participation n’existe alors pas “pour soi”, c’est à dire en vertu de ce qu’il apporte intrinsèquement en termes de sens, mais “en soi”, c’est à dire qu’il est sa propre justification ontologique ; il n’existe que pour témoigner de l’existence de son émetteur. Après le “Je doute, donc je suis” de Descartes, on a(tteint) : “Je participe, donc j’importe”. Exemples, pêle-mêle, de témoignages d’actes de participation :
“L’idée, c’est que [insérer reformulation chat-GPTienne de ce qui vient d’être dit]…”
“Pas clair”
“Vu”
“Pour compléter, je dirais que [insérer monologue inutile et hors sujet]…”
“A reformuler”
A noter que le concept est intimement lié à celui de "Groupe de travail”.

Le Guide de Sabotage de la CIA
D’aucuns auront peut-être noté qu’entre les définitions sur la bureaucratie et celles sur l’autocentrisme verbal, l’une des problématiques sous-jacentes qui m’intéresse a trait à la surcomplexification de processus simples.
Cette dernière a beaucoup de causes et d’objets : génération illusoire de valeur ajoutée (au sens économique du terme), contrôle du changement/maintien du statu quo au sein d’une entité sociale, ou encore sabotage intellectuel pur et simple.
Illustrant ce dernier exemple, je ne résiste pas à vous partager le document suivant : le Simple Sabotage Field Manual de la CIA ; il donne de brillants (et très sérieux) conseils sur la manière de saboter une structure de l’intérieur. Les pages 28 et 29 sont un chef d’oeuvre d’ingéniosité, au point qu’on peut se demander si certains de nos ministères ne sont pas noyautés par les américains depuis des décennies.